Au sujet du décès d’un ex premier ministre haïtien

La semaine dernière, le postcast de Radio  Francophonie Connexion a publié un commentaire fait  par Jean Rico Louis dans lequel  il a fustigé  l’ancien  PM d’avoir refusé de discuter “réparations” pour l’esclavage avec la France au détriment  du peuple haïtien . Et l’ancien consul haïtien Harry  Fouché avait  fait  de même en apportant  des critiques sévères contre le régime de Latortue au cours de la revue hebdomadaire  de l’actualité  haïtienne du 4 mars 2023.

Aujourd’hui, Emmanuelle  Gilles a pris  la défense du PM ministre défunt dans le texte qui suit. Toujours dans l’esprit démocratique qui gouverne la publication des textes jugée de haute portée pour la saine gouvernance d’Haïti, HCN/RFC se fait le plaisir à nouveau de publier ce texte concernant Gérard Latortue qui a été un collègue de Gilles pour une longue durée, il semble.

NDLR

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Les obsèques de l’ancien Premier Ministre Gérard Latortue ont eu lieu hier à Boca Raton.  J’ai lu quelques réactions du public Haïtien sur la déclaration qu’il avait faite lors de sa rencontre avec le président Jacques Chirac à Paris.  Ces réactions ont précipité « Le Point » de Radio Métropole à faire la lumière sur les déclarations de l’ancien Premier Ministre concernant « la Dette de l’Indépendance ».   Certains ont reçu ces déclarations avec beaucoup d’indignation et de déchainement.   Pas moi, et pourquoi ?

(Sic)

Dès que j’ai entendu parler de la dette de l’Indépendance, je me suis posée la question – comment peut on parler de dette de l’indépendance quand on a combattu l’armée la plus puissante de l’Europe et gagné notre indépendance par la force des armes.  Comment donc peut on parler de dette de l’indépendance, c’était la question que je me suis posée à chaque fois car cela voudrait dire qu’on ne s’était pas battu pour notre liberté mais on l’avait plutôt acheté et payé en espèce.  Or, nous savons tous que ce n’était pas le cas. 

 

A force de répéter de parler de « dette de l’indépendance » sur les réseaux sociaux, une Dominicaine sur Tik Tok a commenté que les Haïtiens n’avaient pas gagné leur indépendance mais ils avaient payé les Français pour leur liberté et donc elle n’en voyait aucune fierté.   Son argument était correct dans la mesure ou les Haïtiens eux-mêmes véhiculent sur le net la question de dette, donc ce n’est pas la faute de la Dominicaine mais la nôtre.  Un jour, à mon agréable surprise, je suis tombée sur une vidéo d’un jeune Haitiano-Americain très éloquent qui a commenté le concept de dette de l’indépendance et porté des corrections justes à savoir qu’il n’y avait pas de dette de l’indépendance.   Il a pris son temps pour expliquer ce qui était déjà évident -  la rançon réclamée par la France est venue bien après avoir acquis notre liberté et aboli l’esclavage.   Cette rançon était liée aux plantations que les colons Français avaient acquis dans l’ile et qu’ils avaient perdues après la révolution que nous avions gagnée par le sang de ceux qui ont été rendus esclaves des 1903.

  

Cette révolution que nous avons acquise était la plus belle démonstration de notre valeur en tant que peuple, car nous avons été la 2e nation à avoir acquis notre indépendance dans toute l’Amérique.  En parlant de dette de l’indépendance, nous avons réduit cette prouesse remarquable a une question d’argent.  Il s’agit donc de deux matières différentes :  L’indépendance d’une part et une injustice ou arnaque des anciens colons qui consistait à exiger une restitution pour leurs plantations. 

Dans la mesure ou Jean Pierre Boyer avait accepté de payer la rançon que réclamait la France pour ses plantations, on peut dire que la France avait infligé une injustice grave à Haïti et mais légalement, ce n’était pas une dette de l’indépendance, mais une arnaque qui méritait une réparation en vertu de l’esclavage forcé des êtres humains transportés comme du bétail et vendus contre leur gré pendant 500 ans.  

De ce fait, Lorsque Gerard Latortue avait déclaré que la dette de l’Indépendance n’avait pas une base légale, il avait donc raison en tant que juriste, économiste et technocrate qui pense.  On peut argumenter qu’a la place de la dette, il y avait lieu de négocier une réparation sous forme de projets de développement de grande envergure car des milliards restitués iraient tout droit dans les poches des oligarques.   Latortue comme mentionné dans son entrevue avait entamé des discussions avec Chirac dans le but de doter Haïti des universités et des routes en compensation de l’arnaque des Français.  

Dans un pays ou peu de gens réfléchissent ou tout homme d’Etat est à abattre sans exception, j’étais tout de même étonnée d’écouter un podcast ou un énergumène bruyant comme un tonneau vide traitait Latortue de « Fils de pute » et « poubelle de l’histoire » alors ce que l’individu en question n’avait rien compris de la position et les démarches entamées par Latortue.   Ce même type avec des oreilles d’âne qui se croit tellement intelligent a oublié que c’était sous Latortue que la Commission de la passation des marchés a été créée, c’était sous ce gouvernement que l’administration publique a été assainie avec son Ministre des Finances Henri Bazin et c’est aussi sous ce gouvernement que des législations ont été développées pour asseoir un gouvernement en Haïti après deux siècles.  Ce même type a défendu les bourgeois oligarques qu’il estimait qu’ils ne sont pas responsables du sort du pays mais il n’a pas hésité une seconde à vider son venin sur un homme qui a démontré au monde que les noirs peuvent bien gouverner.  J’ai été particulièrement étonnée de voir que Haïti Connexion avait repris dans son podcast les propos injurieux et outrageux d’un homme qui n’a aucune retenue, et notion des relations internationales.  On n’agit pas pour brasser de l’air ou pour aller au congrès sans crochet, il faut savoir être à la hauteur de nos démarches.  Bienheureux sont les pauvres d’esprit. 

Emmanuelle Gilles